Tess d’Urberville, Thomas Hardy – 1939 – Ed. Le Livre de Poche
21-09
Thomas Hardy est un écrivain anglais né en 1840 à Dorchester. L’édition Le Livre de Poche présente trois de ses écrits : Jude l’Obscur, que j’avais lu et adoré, Une femme d’imagination et autres contes, et Tess d’Urberville. Peu connu en France, il n’en reste pas moins un écrivain classique talentueux. Il retranscrit à travers ses romans son époque, la pauvreté, les injustices, et ne sombre pas à la folie du « happy ending ». Des romans splendides, modernes, à dévorer.
Avec Tess d’Urberville, Thomas Hardy raconte la tragédie du destin de la jeune Tess d’Urberville. Un faux pas pardonné pour un homme, inacceptable pour une femme. L’injustice de la condition de la Femme du XIXème siècle. Dans une époque où l’agriculture est en pleine modernisation, nous la suivons dans le destin tragique que le ciel lui destine.
Résumé
Tess Durbeyfield est née d’une famille de paysans anglais. Lorsque son père apprend qu’il est en réalité de sang noble, un d’Urberville, le destin de la jeune fille va changer. Alors qu’elle se rend au marché en conduisant Prince, le robuste cheval de la famille, elle s’endort et l’accident entraîne le décès de l’animal. A compter de ce jour, son destin sera maudit. Pour rattraper son erreur qui va mener sans aucun doute sa famille à sa perte, le père de Tess va lui demander d’aller à la rencontre de leurs derniers ancêtres nobles pour leur demander de l’aide. Elle y rencontrera son cousin, Alec d’Urberville, dont les mauvaises intentions détruiront Tess pour toujours.
La jeune fille devient une jeune femme
Tess se plie aux demandes de son père. Elle s’est malencontreusement endormie lorsqu’elle allait au marché, entraînant le décès de Prince, le cheval robuste de la famille. Sans lui, la famille est perdue. Alors, quand son père lui demande d’aller demander du travail à la famille des nobles d’Urberville qui seraient en réalité de leur famille, Tess se plie aux ordres.
A son arrivée, elle rencontre Alec d’Urberville, son faux cousin. Faux, car en réalité ceux qui se nomment les d’Urberville ne sont que ceux qui ont acheté dans le passé le titre. Rapidement celui-ci s’éprend de la jeune fille. Il lui fait la cour mais Tess est insensible à son charme. Incapable de se maîtriser, un soir alors qu’il lui faisait croire qu’il la raccompagnait chez elle, ils s’éloignent dans un ancien bois où il la viole. A compter de ce jour, sa vie sera maudite.
De ce tragique évènement, Tess tombera enceinte. Un bébé qu’elle va aimer et qu’elle cachera à Alec. Mais quelques jours après la naissance du petit, celui-ci tombe malade et décède. Non baptisé, Tess s’affolera et le baptisera par ses propres moyens, espérant offrir à son fils, qu’elle nommera Chagrin, une protection religieuse.
Un nouveau départ
Tess retrouve la force deux années plus tard de reprendre sa vie en main. Elle se fait engager comme laitière dans une laiterie loin de son village, où personne ne connait son histoire. Elle y rencontre un homme, Angel Clare. Ce n’est pas la première fois qu’elle le voit, puisqu’elle l’avait déjà rencontré il y a plusieurs années à la fête du village.
Alors que toutes les laitières sont folles amoureuses d’Angel, il porte son dévolu sur Tess. Angel vient d’une famille plutôt aisée, le père est révérend et les frères d’Angel vont à l’université. Pourtant, Angel essaie de se détacher du milieu dans lequel il a grandi. Il possède ses propres idées, et souhaite devenir propriétaire d’une ferme et s’unir avec une femme qui saura l’aider dans son projet.
Alors que Tess avait décidé de ne jamais épouser un homme, et de toujours rester indépendante, elle se retrouve dans un complexe dilemme lorsqu’Angel lui demande de l’épouser. Amoureuse de lui, sa détermination à rester seule ne sera pas plus forte que la passion qu’elle possède à son égard. Après plusieurs refus, Angel garde l’espoir qu’elle changera d’avis. A force de détermination, il finit par obtenir de Tess l’acceptation tant attendue.
Une honnêteté qui va la mener dans d’éternelles souffrances
Tess garde en elle la difficile révélation de son histoire avec Alec et tente de l’avouer à Angel qui est sourd à ses demandes qu’elle formule avant la cérémonie de mariage. Alors jeunes mariés, le soir de leur voyage de noces, Angel a des aveux à faire à Tess. Elle l’écoute, patiemment, lui pardonne ses écarts de jeune garçon. Elle gagne la force de lui avouer ce qu’elle considère ses erreurs (mais qui pourtant ne sont que les atroces conséquences de l’irresponsabilité et sauvagerie masculine).
Elle se lance et lui avoue Alec, le viol, l’enfant. Angel est sans pitié, son regard change et devient glacial. La déception face à cet être qui lui semblait si pur est insurmontable pour lui. Même si l’erreur de Tess ne provient pas de sa volonté, et qu’elle en est la victime plus que l’actrice, Angel la rejette. Il décide de mettre fin à leur situation. Ne pouvant divorcer, il décide de quitter le continent pour rejoindre le Brésil.
Elle n’aura pas le droit de lui écrire sauf en cas d’importante nécessité, et devra demander de l’argent à son beau-père si elle ne peut subvenir à ses besoins avec l’argent transmis par Angel. La dégringolade est terrible, Tess est détruite de cette décision et doit surmonter la distance et l’absence totale de son époux. A compter de ce jour, Tess ne sera que victime des malheurs de la vie.
Mon avis sur l’œuvre
J’avais adoré Jude l’Obscur, et sans surprise j’ai été passionnée par Tess d’Urberville. Ce roman a du mal à démarrer, les saisons passent rapidement sur les premiers chapitres, Tess gagne deux ans en deux pages et nous avons du mal à voir où l’auteur veut nous mener. Les épreuves nous sont racontées à mi-mots. Et puis le rythme s’accélère, tout comme le désespoir de cette jeune femme fidèle et dévouée. La détresse dans laquelle se trouve Tess durant tout le roman est déchirante.
Cette œuvre raconte une histoire d’amour tragique, celle d’une jeune femme victime qui doit payer pour l’agression de son bourreau. Alors qu’Angel se trouvera à l’autre bout du monde, l’ironie du sort poussera Alec d’Urberville à se repentir et à supplier Tess de lui pardonner en lui apportant le réconfort de son argent. Elle qui voit sa famille perdre tout ce qu’elle possède, devra choisir entre les sauver en cédant, ou vivre dans la misère en conservant sa détermination. Cette pauvre femme subit son époque, impardonnable vis-à-vis des femmes, qui protège le sexe masculin. Thomas Hardy est un écrivain moderne qui souligne par la satire l’absurdité de son époque et qui n’hésite pas à écrire ce qu’il pense.
Thomas Hardy est peu connu en France, pourtant ses œuvres sont importantes. Lors de la parution de Jude l’Obscur, son pays a été scandalisé par le roman qu’il considérait obscène. L’œuvre sera même brûlée par l’évêque d’Exeter. Thomas Hardy est en avance sur son temps, il met en avant l’absurdité de la condition féminine, il remet en cause les idées religieuses de son époque ainsi que les valeurs du mariage. Face à ce déferlement de haine, l’écrivain se consacrera uniquement à la poésie. Et aussi belle qu’elle puisse être, il est bien dommage que ses romans s’arrêtent là.
Conclusion
Thomas Hardy est un écrivain peu connu et moderne de son époque. Il dénonce avec Tess d’Urberville la cruauté de son époque face aux femmes en plongeant Tess dans un déchirant destin qui sera la conséquence de son honnêteté de femme fidèle. Un destin tragique et pourtant courant à cette époque. Un splendide roman qu’il faut lire, pour se rappeler que le combat pour la condition féminine a commencé par des batailles petites et immenses à la fois.