1Q84, Haruki Murakami – 2009 – Ed. 10|18, 548 p.
20-06
Il y a un mois, je plongeais dans la découverte de la littérature russe avec Mikhaïl Boulgakov. Pour continuer à étendre mes horizons littéraires, j’ai débuté la lecture de 1Q84 de Haruki Murakami. Me voici lancée dans la littérature japonaise ! Murakami avait fait un carton lors de la sortie de cette œuvre, qui est le premier d’une trilogie à succès. Il a reçu de nombreuses distinctions littéraires, mais n’a toujours pas eu la chance d’être récompensé par le graal du Prix Nobel, pour lequel il est souvent placé dans les favoris.
Résumé
Aomamé et Tengo sont deux âmes liées mais qui ne le savent pas vraiment. Aomamé est une tueuse, elle assassine des hommes violents qui ont fait subir des souffrances morales et physiques à leurs compagnes. Tengo est un écrivain et se retrouve embarqué dans la réécriture illégale du roman d’une jeune adolescente dyslexique. Ces deux protagonistes principaux vivent leur vie, chacun de leur côté. Mais ils se connaissent : ils étaient dans la même classe en école primaire. Leurs chemins les ont éloignés, mais Aomamé n’a jamais oublié Tengo. Elle enchaîne les relations sexuelles d’un soir, sans importance, et conserve secrètement l’espoir qu’un jour elle retrouvera l’homme qui a toujours possédé son cœur.
Mon avis sur l’œuvre
L’histoire s’ouvre sur Aomamé. Cette jeune femme réserve un taxi pour la mener à un rendez-vous professionnel. Le taxi lui semble différent des autres, la voiture n’est pas la même que celle des taxis habituels, la musique qui joue à la radio la mène dans une espèce de transe… Et puis, elle se retrouve coincée dans les embouteillages. Le chauffeur lui conseille de quitter le taxi et d’emprunter un escalier de secours qui lui permettra de retrouver une route piétonne et de se rapprocher de la gare. Aomamé se trouve être le pion d’un monde qui frôle le surnaturel, où l’irrationnel se fond discrètement dans un environnement à premier aspect réaliste. Quel est ce monde, elle qui a quitté l’année 1984 pour se plonger dans ce qu’elle appellera l’année 1Q84 ? Des changements vont venir l’obséder : Quand est-ce que les policiers japonais ont-ils vu leur armement évoluer ? Depuis quand est-ce que la lune s’est-elle dédoublée pour devenir en nombre de deux dans le ciel ? Aomamé va effectuer des recherches pour obtenir des précisions sur ce monde étrange et va découvrir des évènements dont elle n’avait jamais eu connaissance.
Nous découvrons ensuite Tengo. Lui n’est pas victime des jeux de l’écrivain, son monde est profondément ancré dans la réalité (enfin, quoi que… 😉). Travaillant avec l’éditeur Tamaku, il se retrouve mêlé à une histoire un peu glauque : il doit réécrire le texte qu’une jeune adolescente talentueuse, Fukaéri, a écrit. Le but est de lui permettre de gagner un des prix littéraires les plus prestigieux du pays. Cette mission, illégale, le pousse à rencontrer le Maître, celui qui s’occupe actuellement de Fukaéri. Car l’histoire de cette jeune fille n’est pas des plus ordinaires. Ayant grandi dans un milieu sectaire, elle s’est échappée et s’est réfugiée chez le meilleur ami de son père. L’environnement dans lequel elle a grandi est la source du récit qu’elle a écrit.
L’œuvre va se tourner principalement autour de cette secte. Chacun de son côté, Tengo et Fukaéri vont observer les actes désastreux que les croyants vont subir. Peut-être cette secte leur permettra-t-elle de se retrouver ? Nous ne le saurons pas dans ce tome. Le Livre 1 de 1Q84 pose les bases explicatives de la secte et de sa création, mais également de ses malversations. Nous supposons que le second tome consistera peut-être en la dissolution de la secte ?! Peut-être découvrirons-nous également qui sont réellement les Little People, ces être “magiques” et omniprésents, dont les croyants semblent tous avoir très peur.
Les mondes et les personnages s’entrecroisent. Alors qu’initialement, peu de choses liaient les protagonistes entre eux, au fil de l’histoire nous comprenons que chaque destin est lié. Le Maître connaît Tamaku, Tengo connaît Aomamé, Fukaéri a été victime de la secte que Aomamé souhaite détruire…
La force de l’écriture de Murakami réside en partie dans son ouverture d’esprit et sa pensée moderne. Plusieurs sujets sont abordés avec beaucoup de finesse et de respect :
- La liberté sexuelle d’Aomamé, qui assouvit ses envies par diverses histoires d’un soir. Avoir une relation de couple ne l’intéresse pas, seul Tengo peut l’aider à se réaliser d’un point de vue émotionnel. Nous découvrons également qu’Aomamé a goûté à des expériences lesbiennes. Aomamé est une jeune femme libre et non jugée sur ses décisions légères.
- Il ressort également de 1Q84 une forme de féminisme. Aomamé se fait justicière des femmes battues par leurs maris. Elle assassine les tortionnaires pour protéger celles qui n’en ont pas les moyens, et pour leur éviter la mise en œuvre de procès longs, coûteux et vains.
J’ai eu du mal à me plonger dans l’univers de Murakami. Nous ressentons rapidement un monde étrange, qui semble plus ou moins réaliste et pourtant qui frôle l’irrationnel. Les allusions sexuelles du début du récit m’ont mises sur mes gardes. J’ai eu peur d’être face à un écrivain « trop » moderne qui avait besoin de décrire une part de sexualité pour être « intéressant ». Je me suis rapidement rendu compte que j’étais à côté de la plaque. Après avoir compris le monde de Murakami, et où il souhaitait en venir, l’histoire m’a transportée. Le style déstabilisant devient rapidement envoûtant et plein de suspens.
1Q84 est une œuvre qui est inspirée de 1984 de Georges Orwell. En 1949, Orwell nous faisait faire un bond en avant en décrivant le futur qui allait se présenter à nous, en 1984. Décrivant notamment Big Brother, il nous avait décrit le monde du futur où nos faits et gestes allaient être suivis et observés. En 2009, à travers un monde bien à lui, Murakami décrit son année 1984. Big Brother est remplacé par les Little People, des petits être maléfiques qui entrent à l’intérieur des individus et qui observent leurs moindres faits et gestes.
Conclusion
1Q84 est un livre qui m’a initialement déstabilisée. Et puis la plume de Murakami m’a emportée, l’histoire et la découverte du milieu sectaire… Nous sommes plongés dans un monde hors du commun où une jeune femme se missionne à protéger les femmes battues. Les personnages se développent dans un environnement où les pressions sectaires sont omniprésentes dans leurs vies. La fin ouverte du premier tome m’a donné très envie de lire le deuxième tome !